Médecine intégrative et humanisme médical en établissement de santé

par | 7 Nov 2019 | Articles | 0 commentaires

La journée thématique organisée par le CDDS (comité développement durable santé) s’est déroulée mercredi 25 septembre 2019 à l’académie de Médecine à Paris. 

Je vous offre aujourd’hui le compte rendu de la première conférence  présentée par le Professeur Daniel Loisance, membre de l’académie de médecine, chirurgien cardiaque, ancien chef de service à l’Hôpital Henri Mondor : 

L’humanisme médical : en quoi est-il important ?

Définition de l’humanisme médical : c’est le respect de l’être humain.                        

Ce respect est remis en question aujourd’hui. C’est un paradoxe car la médecine est de plus en plus efficace et l’insatisfaction des malades et des médecins ainsi que des praticiens de santé est de plus en plus importante également. 

Il s’est installé une méfiance mutuelle entre les médecins et les patients. Cela est dû à plusieurs facteurs : 

Une dérive sociétale, la médecine est devenue un service comme un autre, elle est même devenue un droit comme un autre. La sémantique a également changé, le médecin est devenu un praticien, le malade devient un usager, la surveillante en hôpital est devenue un cadre de santé.  « Quand on ne sait plus nommer les choses et les personnes, la société est vraiment devant un gros problème et c’est le début de la décadence » Santiana, les Ecchos, 29/11/2017

Cette situation est due a des facteurs liés à la médecine elle-même ; nous sommes passés d’un modèle vertical à un modèle horizontal, où le patriarcat et la place de la religion ont laissé la place à l’égalitarisme et à la science. La médecine est devenue hyper spécialisée, en silo…. Elle a perdue progressivement le contact singulier, personnalisé et une vraie approche holistique. 

Facteurs liés aux couts de santé. La santé n’a pas de prix mais elle a un coût. On se retrouve ainsi dans une situation très inflationniste :  le coût des diagnostics et des traitements sont en hausse, la population devient plus âgée, les contraintes budgétaires amènent des réductions dans tous les services. C’est pour des raisons économiques qu’on a augmenté la chirurgie ambulatoire. Mais il faut savoir que 30% des personnes qui rentrent chez elles de manière anticipée, reviennent à l’hôpital dans la semaine qui suit avec une aggravation de leur état et que 50 % de ces personnes décèdent. De plus, il n’est pas rare aujourd’hui de se faire opérer sans avoir rencontré son chirurgien, ce qui augmente d’autant plus le sentiment d’angoisse et la perte de confiance.  

Facteurs liés à la gouvernance hospitalière. Tout a été fait pour abattre le patron, détruire les services, décourager les médecins et les infirmières. Le patron avait une vision. Maintenant, il y a une augmentation du pouvoir administratif. Le médecin ne contrôle plus la façon dont il doit pratiquer la médecine. Il y a une hyper inflation administrative et des prérogatives excessives données à l’administration déconnectées de la vraie vie. Le résultat en est un climat délétère, des démissions en cascade, des postes non pourvus, ce qui provoque une surcharge pour les survivants. La situation est analogue pour les médecins de ville dont les contrôles et les demandes administratives empiètent sur leur bien être dans leur travail et la qualité des soins qu’ils prodiguent à leurs patients. 

Facteurs liés à la sélection et à la formation des médecins : on constate une pauvreté de la culture générale et une grande immaturité de la nouvelle génération. Une absence de préparation et d’informations sur ce que sera réellement le métier de médecin. Les stages infirmiers, qui préparaient justement à cette prise de conscience, ont disparus. Le choix, souvent par défaut et sans connaissance des particularités et des exigences du métier, du aux procédures de sélection sont aussi responsables de cette situation. Les jeunes refusent cette sélection mais elle s’impose. Une fois engagé dans les études, on constate un retard dans le premier contact avec l’hôpital et le malade, la disparition du modèle, du mentor, font que nos jeunes médecins manquent cruellement de repères et d’identification. 

Facteurs liés à l’évolution technologique : l’examen clinique a disparu. Au niveau diagnostic, il y a une fuite dans les examens par défaut et les patients, eux-mêmes, exigent des examens. Si on ne leur fait pas une analyse de sang ou une radio, ils ont l’impression qu’on ne les a pas bien examinés. Au niveau thérapeutique également, on retrouve des escalades sans fin pour éviter une annonce difficile, certaines personnes restent pendant des semaines, des mois, avec une assistance circulatoire de fin de vie car les médecins n’osent pas annoncer à la famille qu’ils n’ont pu sauver le patient. Est apparu également toute une liste de recommandations qui déresponsabilise le praticien et l’empêche de prendre ses propres décisions adaptées aux patients. 

Les propositions de l’académie : 

L’amélioration de la qualité de la médecine est le souci constant de l’académie depuis sa création. Elle a des ambitions immenses mais des moyens bien limités. Pourtant la situation des urgences dans les hôpitaux français n’est pas un problème d’argent mais un problème de fonctionnement. En effet, ces propositions ne se veulent pas démagogiques mais se veulent réalistes, collant aux vrais problèmes : 

Le recrutement et la formation : il faudrait informer les lycéens de la réalité des professions de santé avec des stages d’observation. On a fait un clivage entre les formations littéraires et scientifiques, c’est un faux débat car des littéraires peuvent faire des bons médecins. Il devrait y avoir des modalités de sélection pour accéder aux études médicales d’abord sur dossier prenant en compte les notes du bac mais aussi avec une interview, une lettre de motivation, un CV. L’académie préconise également un contact précoce avec le milieu médical, hospitalier ou en ville, permettant une acquisition des comportements, mettant en place le compagnonnage avec des formations à la bientraitance, et une démarche active dans l’amélioration des pratiques. 

Les clés détenues par les enseignants hospitalo-universitaires et les médecins : enseigner le savoir-faire auprès du généraliste et au lit du malade, le compagnonnage, la vertu de l’exemple, tenir compte dans la promotion des hospitaliers de leurs actions auprès des étudiants, privilégier l’enseignement clinique, on soigne par sa présence, son regard, ses mains, sa parole, son écoute, en s’adaptant aux singularités des personnes et des situations. 

Concrètement, la formation doit s’intéresser à : 

Le 1er contact avec le malade, se présenter…

Des comportements d’empathie, (valeur de l’exemple lors de la visite, jeu de rôle) 

La qualité d’écoute du malade : le regarder et non rester bloqué sur l’écran de son ordinateur

L’attitude et le comportement du médecin

L’information adaptée au malade 

Sans oublier le dimanche soir chez les patients hospitalisés. « Le secret du bon médecin c’est ce qu’il sent et dit aux malades ». 

Un art de la bientraitance par des médecins bien traités. Reconnaitre la compétence, la générosité et la rigueur des médecins. Savoir reconnaitre qu’après le curé, l’instit, le maire, le médecin a perdu son aura. Porter une certaine considération à une profession qui poursuit son action dans des conditions souvent difficiles permettrait de rétablir un climat de confiance indispensable à une pratique humaniste de la médecine. 

En conclusion, il est important de comprendre les raisons multiples de la dégradation du service rendu et apporter les corrections, et ce n’est pas simplement une affaire de gros sous. Reconnaitre les raisons du succès populaires des médecines complémentaires : l’attrait de l’exotisme, l’approche holistique, un vrai investissement du thérapeute, la reconnaissance financière. 

L’académie de médecine soutient les médecines complémentaires, c’est devenu une évidence pour l’amélioration de la santé des patients. On ne peut plus ignorer les faits d’internet et les médecins devront composer avec. Mais les vrais médecins n’ont pas peur d’internet car les patients se tournent vers internet quand ils n’ont pas confiance dans leur médecin.         Il est également urgent d’augmenter les stages cliniques avant le début des études pour que les étudiants s’engagent en connaissant vraiment toutes les facettes du métier. 

Concernant l’internat, il faudrait retrouver l’esprit des mentors, apprendre en observant celui qui a l’expérience et qui pourra nous apprendre ce que l’on ne trouvera jamais dans les livres. 

Même si en 2013, l’académie de médecine a pu faire croire qu’elle était contre les médecines naturelles, c’est faux, elle a juste mis en évidence l’absence d’études scientifiques, d’indicateurs biologiques et des difficultés d’évaluation avec des essais randomisés qui ne pouvaient évaluer l’efficacité de ces médecines, mais l’académie de médecine n’a pas du tout remis en cause la valeur ajoutée de ces pratiques pour le bien être des patients. 

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