Les épreuves, qu’elles soient personnelles, professionnelles, relationnelles ou médicales, nous obligent à faire une pause et à regarder vers l’intérieur ce que notre âme veut nous dire. La résilience est une énergie infinie qui rejaillit d’une source mystérieuse au creux des nuits noires de l’âme.

Le terme résilience vient du latin résiliré qui veut dire reculer, rebondir, rejaillir. Il désigne en physique la résistance des matériaux aux chocs élevés et la capacité d’absorber l’énergie cinétique sans se rompre pour reprendre une forme convenable. En psychologie, elle illustre l’idée qu’un être humain a pu résister au choc d’un trauma, se redresser et redémarrer. Au 17e siècle, le mot résilience est abondamment employé en anglais avec pour signification rebondir, se ressaisir, se redresser. En France, ce n’est qu’en 1952 que le mot résilience apparaît sous la plume d’André Maurois, mais c’est à Emmy Werner qu’on attribue le travail fondateur autour de la résilience.

Pulsion et force de vie

La résilience est une irrépressible pulsion de vie qui surgit alors que nos ressources semblent taries. Force sensible, la résilience élève l’âme par-delà les blessures de l’existence. Force physique, elle traverse la matière, nous tient debout en plein chaos et œuvre au rebond. Force initiatique, il lui arrive de transmuter le plomb des épreuves en Or.

La résilience sauve la vie

Dans les années 1950, Emmy Werner, psychologue, œuvre à Hawaï aux côtés de 700 enfants qui cumulent carences affectives, santé précaire et maltraitance. 30 ans plus tard, elle en retrouve 200 et constate, comme on pouvait le craindre, que 72% d’entre eux présentent un développement catastrophique. Mais la surprise vient des 28% restants qui ont déployé une énergie de vie inespérée, avec métier et famille, sans davantage de troubles que la population lambda. Ce qui leur a permis de ne pas être définitivement fracassé, c’est leur résilience.

La vie est énergie

La vie est mouvement, c’est un flux d’énergie. Se fixer dans la souffrance, c’est enfermer la vie. La résilience désigne la capacité à réussir à vivre et à se développer en dépit de l’adversité. En comprenant cela, nous changerons notre regard sur le malheur et malgré la souffrance, nous chercherons la merveille, résume Boris Cyrulnik dans son livre « Un merveilleux malheur ». Sa vie toute entière témoigne de ce rebond énergétique, psychique, face au gouffre et le sublime dans sa vocation de psychiatre.

Donner du sens à ce que l’on vit

Ils sont nombreux, les blessés de l’âme, à avoir métamorphosé leur apocalypse en révélation, leur terre brûlée en terroir fertile. La résilience n’est pas réservée aux plus forts. Victor Fränkel observe avec perplexité que dans l’horreur des camps, les plus robustes meurent les premiers. Face à l’absurde, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui leur laissait la place de garder l’espoir et questionner le sens. La logothérapie, thérapie du sens de la vie, c’est donner un sens à ce que l’on vit.

L’humour vecteur de la résilience

Ce qui est central dans le processus de résilience, précise Évelyne Josse psychologue, c’est que c’est un processus dynamique. La résilience s’appuie sur diverses ressources transformatrices telles l’humour qui « métamorphose la souffrance en œuvre d’art » dixit Boris Cyrulnik. L’humour, renforçateur social, est l’un des vecteurs les plus précieux de la résilience dans cette époque en crise qui manque cruellement d’humour, est marquée par une hausse des troubles psychiques et une difficulté à renaître de nos cendres.  « Dans les grandes crises, le cœur se brise ou se bronze. » affirme Balzac.

Liens affectifs et résilience

Marie Arnaud professeure en psychologie clinique, nous dit que la résilience résulte d’un maillage complexe entre les aptitudes individuelles, psychiques, cognitives, comportementales et des compétences psycho-affectives familiales. Ces dernières peuvent être complétées ou éventuellement suppléés par des ressources issues de l’environnement social. Les liens affectifs participent pour une grande part à ce terreau, sur lequel va se construire la résilience. Parce que notre cœur pulse au diapason du vivant, notre résilience est par nature reliée à celle du monde.

Les piliers de la résilience

Déployer un optimisme réaliste, s’orienter vers des solutions, sortir du rôle de victime ou encore assumer ses responsabilités font partie des piliers de la résilience. Boris Cyrulnik esquisse lui-même les limites. « Personne ne prétend que la résilience est une recette du bonheur. C’est une stratégie de lutte contre le malheur qui permet d’arracher du plaisir à vivre malgré le murmure des fantômes au fond du placard. »

Pas tous égaux face à la résilience

La biologie a son mot à dire, néanmoins le déterminant génétique est beaucoup moins puissant que le déterminant épigénétique. L’épigénétique montre que les traumas peuvent blesser les cellules germinales, codant ainsi des fragilités transmissibles aux générations suivantes. « Cependant, cette altération est reprogrammable. L’idée est que si un trauma altère certains gènes, inversement le fait que notre souffrance soit prise en compte nous soigne, car cela provoque une sorte de rétroaction épigénétique. » explique Barbara Couvert.

D’autres nourritures sensibles favorisent également l’énergie de résilience : l’altruisme, l’optimisme, un imaginaire en éveil ou encore une vie intérieure riche, sans oublier la beauté à même de rallumer le courant vital. Cette beauté-là, loin d’être superficielle, est la source d’une créativité de vie qui ne se laisse pas anéantir par les aléas de l’existence. Il est écrit dans l’Évangile de Saint Jean : « La lumière luit dans les ténèbres et les ténèbres ne peuvent l’atteindre. »