Protoxyde d’azote : drogue des ados
Disponible en vente libre sous forme de cartouches pour siphons à chantilly, le protoxyde d’azote est également utilisé en médecine pour ses propriétés analgésiques (MEOPA pour les dentistes). Mais depuis quelques années, le gaz hilarant en vente libre, est prisé par les jeunes fêtards, qui en consomment d’importantes quantités, laissant derrière eux des sols jonchés de petites cartouches argentées.
Accès faussement règlementé
Si depuis le 1er juin 2021, sa vente est soumise à restriction et interdite aux mineurs, le protoxyde d’azote fait l’objet d’une forte consommation détournée grandissante, de stories sur les réseaux sociaux. Il existe un trafic prospère en pleine expansion dans les petites épiceries de quartier qui font en une journée leur chiffre d’affaires du mois. Pourtant, ce gaz hilarant ne fait pas rire les professionnels de santé et les autorités, qui alertent sur les effets délétères de cette substance.
Accessible également en un clic, peu onéreux et livré à domicile par les plateformes de e-commerce ou par des dealers contactés via les réseaux sociaux, le « proto » a été détourné de son usage pour ses effets psychoactifs.
Deux à trois minutes d’euphorie
« Les jeunes consommateurs « crackent » la cartouche, mettent le gaz dans un ballon de baudruche et l’inhalent. Les effets sont quasi instantanés, on est euphorique, on part dans un fou rire incontrôlable, on a la sensation d’être un peu ivre, désinhibé. On peut même avoir des hallucinations », explique à 20 Minutes le Pr Laurent Karila, psychiatre addictologue, professeur à l’Université de Paris Saclay et auteur de l’ouvrage « On n’a qu’une vie » (éd. Fayard).
En pratique, le protoxyde d’azote inhalé va rapidement passer dans le sang et arriver au cerveau, ce qui explique « ses effets euphorisants rapides, qui vont durer deux à trois minutes seulement, poursuit l’addictologue. Le problème, c’est le cerveau va adorer ces effets, et donner envie aux consommateurs de recommencer ».
Addiction au protoxyde d’Azote
Une voie qui peut rapidement mener à l’addiction. « Le faible coût du produit et la disparition rapide des effets recherchés peuvent inciter à renouveler fréquemment les prises et conduire à une consommation excessive, alerte Drogues Info Service. On observe désormais chez certains usagers, des consommations massives sur des durées prolongées qui évoquent une problématique addictive. A l’arrêt de la consommation, les usagers réguliers peuvent ressentir de l’anxiété, de l’agitation, des douleurs abdominales et des tremblements ». Soit tous les signes d’un état de manque.
« Comme les autres drogues qui procurent une sensation de plaisir, les consommateurs sont nombreux à avoir envie d’en reprendre pour retrouver ces effets ressentis lors des premières prises et pour les personnes vulnérables, cela peut devenir un objet d’addiction, confirme le Pr Karila. D’autant que la consommation de protoxyde d’azote engendre un phénomène de tolérance : progressivement, la même dose procure moins d’effets, donc on va prendre une dose beaucoup plus importante pour retrouver les sensations ressenties les premières fois. On voit ainsi de très gros consommateurs, qui peuvent prendre plusieurs dizaines voire centaines de cartouches de protoxyde d’azote en une soirée. Pour autant, on n’a pas encore de vagues de patients consultant spécifiquement pour une addiction au protoxyde d’azote ».
Effets secondaires du protoxyde d’azote
Mais avant même que l’addiction ne s’installe, les consommateurs de gaz hilarants peuvent rapidement développer des complications. « Dès les premières fois, on peut avoir des effets négatifs, avec des vertiges, des maux de tête, des difficultés à coordonner ses mouvements, un état de confusion, voire une perte de conscience. Certains peuvent s’asphyxier par manque d’oxygène, chuter lourdement, ou avoir des complications psychiatriques avec des attaques de panique », prévient l’addictologue.
En outre, la prise de protoxyde d’azote « expose à un risque de brûlure par le froid. Lorsqu’il est expulsé de son conteneur, le protoxyde d’azote devient un gaz très froid. L’inhalation directement à la cartouche est à éviter absolument car elle expose à de graves risques de gelures du nez, des lèvres et des cordes vocales ».
Et si ces jeunes accros au protoxyde d’azote n’affluent pas encore en consultation d’addictologie, « en revanche, on voit en ce moment hospitalisés dans d’autres services pour des complications liées à leur importante consommation, souligne le Pr Karila. Dans les services de neurologie pour des atteintes de la moelle épinière et des atteintes nerveuses périphériques irréversibles, comme s’ils avaient fait un AVC. C’est redoutable ! Et je pense qu’il va y en avoir de plus en plus dans les services de cardiologie parce que cela cause des troubles du rythme cardiaque, ainsi qu’en pneumologie pour des œdèmes pulmonaires ».
La prévention passe par l’information
Alors, le Pr Karila le martèle, « il faut mettre l’accent sur la prévention. Quand on voit des jeunes se filmer en train d’inhaler du gaz hilarant sur les réseaux sociaux comme si c’était quelque chose d’anodin et sans danger, c’est dramatique. Les jeunes consommateurs ne sont pas conscients des risques qu’ils prennent. Pendant que leurs parents, eux, ignorent tout de leur consommation et des risques associés. D’où l’importance d’informer ce public, d’abord pour le dissuader de consommer, mais aussi pour délivrer quelques conseils pour réduire les risques associés à la consommation. Il est ainsi conseillé de ne pas faire de mélange avec de l’alcool ou d’autres drogues, de ne pas inhaler directement la cartouche pour éviter les brûlures ou encore de consommer en étant assis pour éviter les chutes et les blessures. Et évidemment de ne pas prendre le volant dans la foulée ».
Car cet usage récréatif peut dans les cas les plus dramatiques coûter la vie des consommateurs.
Informations tirées d’un article paru dans 20Minutes, le 18/08/2022
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