Collaborer avec les ostéopathes

par | 7 Mar 2018 | Articles | 0 commentaires

COLLABORER AVEC LES OSTEOPATHES

Dans le cadre de ma formation « initiation aux soins dentaires naturels et biocompatibles » j’ai interviewé 3 ostéopathes pour tenter de comprendre ce qu’ils ressentent sous leurs doigts, comment ils peuvent détecter une cause bucco-dentaire et comment leurs diagnostics et leurs traitements peuvent être une valeur ajoutée dans la réalisation et la stabilisation de l’équilibration occlusale de nos patients. Voici pour vous, membres d’Odenth, le « best-of » de ces échanges.

Dr Catherine Rossi : Bonjour Jean Marie. Lorsqu’un patient vient te voir par exemple avec un mal de dos ou des douleurs cervicales, quelle démarche te permet de conclure que ça vient peut être de leurs dents ? 

Jean Marie Commelin (ostéopathe à Paris): L’écoute crânienne va déjà très rapidement nous attirer vers la sphère bucco-dentaire. Alors à partir de l’anamnèse et du motif de consultation du patient, je complète mon diagnostic avec un bilan postural  pour clarifier l’origine montante ou descendante des douleurs du patient. L’origine montante vient des pieds, des genoux, du bassin ou des viscères en général. Si on détermine une origine descendante, on doit déterminer si on est sur une porte d’entrée oculaire ou si on est sur une porte d’entrée buccale. Une fois la porte d’entrée oculaire éliminée, il nous reste donc uniquement la porte d’entrée dentaire ou ATM. C’est ensuite à partir de nouveaux test ostéopathiques, une écoute crânienne plus ciblée sur la bouche que l’on va faire un diagnostic plus précis sur la cause du blocage, du barrage, qui a une incidence à distance sur les douleurs du patient. Ces tests peuvent révéler un déséquilibre occlusal, mais également une dent pathogène comme par exemple la présence d’un kyste radiculaire ou d’un électrogalvanisme.   

DCR : Quel dialogue s’installe alors avec le dentiste du patient ? 

JMC : Le plus souvent j’appelle directement le dentiste, c’est plus simple que de passer par le patient et je leur explique ce que j’ai trouvé dans mon bilan et je leur adresse le patient parce que je pense que seul je ne peux pas avancer dans mon traitement. 

DCR : Et quand le patient par contre, est en cours de soins dentaires et il vient te voir parce que son dentiste lui a demandé de te consulter. Le patient est en réhabilitation occlusale, il porte une gouttière et le dentiste veut en parallèle du repositionnement mandibulaire que l’équilibre postural et l’harmonisation ostéopathique soit optimale. Donc généralement le vient avec sa gouttière, comment ça se passe ? Comment tu accompagnes le traitement dentaire et comment tu dialogues avec le dentiste au cours de l’évolution du traitement ?

JMC : Alors dans l’évolution du traitement, il y a toujours à prendre en compte les pathologies et douleurs du patient, par exemple cervicalgie ou maux de dos qui ont un lien avec les dents mais pas seulement et que l’on doit traiter en parallèle avec notre protocole d’ostéopathe. Donc dans un premier temps mon approche est d’abord ostéopathique sans la gouttière. Je vérifie que tous les paramètres de mobilité sont ouverts et que le patient s’harmonise bien. Et à partir de là, je lui demande de mettre sa gouttière en bouche et je regarde si il y a des modifications de son bilan postural et ostéopathique. Je termine ensuite par un traitement crânien (gouttière en bouche) qui est extrêmement intéressant car le port de la gouttière va permettre d’augmenter le levier en intra-buccal et d’avoir un effet démultiplicateur sur le travail crânien. Une fois le travail terminé, je demande au patient de retirer sa gouttière, je teste à nouveau mes paramètres et quand les paramètres sont bons le traitement est considéré comme abouti. Plusieurs mois sont souvent nécessaires pour arriver à cette harmonisation ostéo-posturale, avant que le dentiste puisse réaliser les prothèses définitives dans la nouvelle occlusion. 

DCR: Quel dialogue s’instaure avec le dentiste pendant tous ces mois d’harmonisation ostéo-posturo-bucco-dentaire ?

JMC : Pour moi ostéopathe, la définition précise d’un réajustement buccale est assez complexe. Je contourne en fait la difficulté en utilisant des fiches bristol que je découpe et que je vais utiliser en intra buccale en les positionnant sur certaines dents. Cela me permet de déterminer si au niveau du mouvement crânien, de la posture, une amélioration se manifeste ou pas. Et à partir de là, je peux communiquer au dentiste ce que j’ai trouvé, par exemple une cale trop haute ou trop basse en terme de hauteur de bristol.  Même si cela ressemble à du bricolage, l’expérience a prouvé son efficacité au stade des prothèses transitoires. Quand l’occlusion est bonne « globalement » ensuite avec les prothèses définitives on pourra faire des ajustements au micron près ! 

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DCR: Bonjour Monique, Comment faites vous pour diagnostiquer que les problèmes de vos patients puissent avoir une cause dentaire ?

Monique Thinat : (ostéopathe « Biotissulaire » à Meulan dans les Yvelines),  Alors pour répondre à cette question Catherine je vais décrire plusieurs étapes. Ma première observation est celle du patient qui est face à moi. Lorsque je l’accueil et qu’il va donc parler pour répondre aux questions pendant l’anamnèse, je peux déjà observer. Par exemple, une élocution qui n’est pas très fluide, un décentrage de la mandibule, un sourire figé ou asymétrique. Déjà ce sont pour moi des indices qui peuvent indiquer une cause dentaire. Ensuite, systématiquement dans l’anamnèse, je vais interroger sur les traumatismes dentaires « y-a-t-il eu extraction de dents de sagesse, chute sur une dent, choc sur les maxillaires supérieur ou inférieur, a-t-il eu des soins dentaires ou de l’ODF » tout ça ce sont des questions très importantes dans mon bilan initial. L’autre point, quand on avance dans ce début de rencontre avec le patient, c’est d’écouter ses symptômes, toutes ses douleurs : d’ATM, de la colonne vertébrale évidemment cervicale et lombaire, les maux de têtes, la fatigue, même la tendance dépressive, peuvent m’orienter vers un problème dentaire. Mais je dirais que tout symptôme peut avoir un lien avec une cause dentaire et réciproquement toute cause dentaire peut créer à distance un symptôme.

DCR : Et une fois qu’il est entre vos doigts, comment cela se passe-t-il ?

MT : Et donc maintenant que disent les tissus ? Le guide dans le travail ostéopathique, pour moi, c’est la densité tissulaire et la réflexion de mobilité. Des pieds à la tête, il y a rencontre avec le patient. Un exemple, le port des bagues orthodontiques crée des tensions dans tout le corps. Donc je peux observer une très forte densité crânienne et cranio sacré qui peut tout de suite être en lien avec ce traumatisme. Et en même temps, j’y mets là une parenthèse dans ce qui est un petit peu mon expérience et aussi ce que j’ai développé dans ma pratique, c’est-à-dire l’importance du ressenti du patient. Le port d’un appareillage orthodontique fixe imposé à un enfant qui le refuse complètement, qui ne peut pas le supporter, vécu comme un emprisonnement ou comme une agression va avoir un impact tissulaire très important. Et donc les mains posées sur le crâne, je perçois immédiatement le ressenti du patient par rapport au traitement au-delà des tensions physiques. Par exemple, quelqu’un qui va complètement accepter émotionnellement cet d’appareillage fixe, aura des restrictions tissulaires moindres, même si elles sont toujours là. L’autre exemple que je peux donner c’est un acte dentaire qui s’est mal passé, vécu de façon tragique, aura un impact tissulaire très important au niveau du corps et ça se perçoit tout de suite. En ce qui concerne le déséquilibre occlusal, je le fais avec le test du contact dentaire. C’est-à-dire les mains en écoute au niveau crânien, au niveau occiput. Je vais demander au patient de lâcher le contact dentaire puis de le reprendre. Que se passe t-il comme modification ostéopathique à cet instant précis ? Est ce qu’il n’y a aucune différence dent serrées ou en position de repos? Je peux ressentir au moment du contact dentaire par exemple une attraction très importante d’un côté et là supposer, qu’il y a un problème d’occlusion dentaire. J’ai plusieurs autres test pour confirmer ce diagnostic, et l’associer ou non avec d’autres lésions, par exemple une entorse ancienne non rééquilibrée et complètement asymptomatique mais qui a créé une adaptation montante au niveau de l’occiput et qui a été transmise au niveau de la mandibule par les temporaux par exemple. C’est un vrai travail de considération globale, d’où l’intérêt d’une étroite collaboration avec la profession dentaire. 

DCR : Justement quel type de communication avez-vous avec le dentiste du patient, quand vous retrouvez ce type de diagnostic ?

MT : Ce type de communication doit tout de suite faire entendre au dentiste, et j’insiste là-dessus, que mon intention de collaboration avec lui au service du patient, ça c’est la première chose. Ensuite ma façon de m’exprimer doit lui permettre de comprendre vraiment les informations que moi j’ai perçu, mes tests et ma vision globale du patient au moment de la consultation. Tout de suite entrer dans cette vision globale ça me semble important. Il est préférable de ne pas rester dans le champ restreint des dents. Il s’agit de la personne et comment elle adapte à tout ça. C’est important que le dentiste comprenne qu’il entre dans cette compréhension mutuelle, à la fois pour le patient, mais aussi pour lui-même. Parce qu’il doit sentir que grâce à notre communication et bien lui aussi, il va pouvoir ajuster son travail au vécu du patient et rendre ses traitements plus pérennes, principalement dans la stabilité occlusale.

DCR : Quand un patient est suivi par un dentiste, que ce dentiste lui a mis une gouttière occlusale et que ce dentiste lui demande de venir vers vous pour accompagner justement cette nouvelle réhabilitation occlusale. Alors comment ça se passe ?

MT : Ce qu’il faut voir c’est qu’un patient a toujours plusieurs schémas lésionnels superposés. Mon approche va d’abord  être d’expliquer au patient comment la gouttière, en donnant un appui dans la bouche, le transmets à tout le corps et permet un travail d’auto guérison et d’auto résiliation des tensions. Et que donc, cet objet est un allié précieux et guérisseur. Lorsque la personne peut accueillir l’objet de cette façon, alors les changements sont très impressionnants. Plutôt qu’un objet qu’il faut mettre, qu’on supporte, qui n’est pas agréable, la gouttière comme initiateur de transformation globale du schéma corporel est adoptée et intégrée de manière tout à fait différente à la fois physiquement et émotionnellement. Ensuite dans la séance d’ostéopathie elle-même, je commence toujours par un court temps de travail sans la gouttière qui me permet de reprendre contact dans l’état dans lequel est le patient tel qu’il est là à cet instant. Ensuite le patient met la gouttière et donc je travaille et la gouttière donne un appui qui s’ajoute aux appuis que moi je donne dans l’accompagnement des déroulements tissulaires. Je dirais que nous travaillons ensemble : Le patient, la gouttière, moi et tout ce qui peut se passer entre le patient et moi à ce moment là dans la séance. En fin de séance j’enlève la gouttière et je vois ce qui s’est passé. Le patient sens et exprime ce qui s’est passé, je l’invite et le fais beaucoup participer. Durant la séance, ils ne peuvent pas parler, je les invite à porter leur attention sur leurs perceptions durant toute la séance avec et sans la gouttière. C’est très important comment le patient ressent ce qui se passe dans sa bouche et comment ça évolue au cours du traitement. 

DCR: Comment vous pouvez aider le dentiste justement à parfaire son occlusion en bouche grâce à votre diagnostic ?

MT : Je vais l’informer des changements de la qualité et de la mobilité tissulaire que j’observe  chez le patient, ainsi que l’évolution de la personne, ça c’est important. Ensuite c’est grâce à ces tests de contacts dentaires, que j’ai décrit tout à l’heure, que je peux lui transmettre une image de l’occlusion tel qu’elle est aujourd’hui. C’est-à-dire ce que j’ai perçu en fin de séance avec ce test. J’ai perçu encore des tensions postérieures par exemple ou plutôt des tensions de tel côté ou de l’autre. Je situe dans l’espace ce que j’ai perçu. J’essaie de le faire avec un vocabulaire ostéopathique simple pour qu’on puisse se comprendre. Et lui aussi peut m’enrichir avec ce qu’il a perçu. C’est un vrai travail de collaboration. 

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DCR: Bonjour Hélène. Vous êtes ostéopathe à Paris et vous avez une grande expertise des ATM. Pouvez-vous nous en dire plus.

HB : Il est intéressant de constater que des gens font déjà naturellement le lien entre les douleurs d’ATM et les conseils d’un ostéopathe et ils sont surpris quand je leur dit que ça vient de leurs dents. Peu de patients savent ce qu’est l’occlusion dentaire. Déjà dès l’anamnèse je commence à essayer d’orienter les questions quand le patient me parle de ses douleurs. Je cherche aussi les douleurs associées de tête, de cervicales, d’épaule. Je me soucis des soins dentaires en cours ou anciens. Par mes tests ostéopathiques, je fais le diagnostic occlusal.  

DRC : Et donc quand vous avez cette suspicion de cause dentaire, vous informez le patient et son dentiste. Mais que faites vous en attendant pour soulager ce patient ?

HB : Je vais mettre les gants et vérifier au niveau de la mâchoire et faisant serrer les dents du patient sur chacun de mes pouces pour voir si il y a un côté qui serre plus, à l’ouverture est ce qu’il y a un craquement je vais vérifier la tension des masséters temporaux, des ptérygoïdiens latéraux et je vais voir si c’est symétrique et surtout si c’est mobile, parce que on peut être dissymétrique et avoir une très bonne mobilité. Et puis après je vais faire des tests dents serrées, dents desserrées, pour voir si c’est ça qui influence d’autres dysfonctions du corps. Je peux repositionner des ATM en lésion mais si le problème occlusal est majeur, il y aura récidive après le premier repas ! 

DCR : Il y a vraiment un réel partenariat avec les dentistes.  Un dialogue s’instaure pour guider le dentiste en suggérant que ce serait peut être mieux un peu plus haut à droite ou un petit peut plus haut à gauche…  Et j’ai eu une expérience avec une de nos patientes communes à qui vous avez repositionné l’ATM droit qui était en luxation. Une luxation qui était fixée et que les gouttières n’avaient pas réussi à débloquer et après être passé entre vos mains elle est revenue et effectivement l’occlusion était nettement mieux. J’ai réussi à équilibrer des choses que je n’arrivais pas à équilibrer depuis des mois grâce à votre manipulation au niveau de l’ATM.

HB: Oui mais moi, depuis des mois, je n’arrivais pas à réduire cette luxation et c’est grâce à votre gouttière que j’ai enfin pu y arriver ! En général, on va commencer par faire lâcher les muscles et les activateurs Soulet-Besombes que vous utilisez, sont très efficaces pour cela. On va compléter ensuite en actif en faisant travailler le patient par des diductions, des antépulsions  et en passif en étirant les muscles. Enfin  on peut aller relâcher tout les muscles qui s’insèrent au niveau du crâne ou même relâcher le crâne en lui-même et les cervicales. Ce travail accompagne le traitement d’orthodontie et le repositionnement occlusal car le patient tolère mieux les corrections dentaires parce que son corps est plus fluide.

DCR : Oui et même je trouve que le suivi ostéopathique accélère les traitements. Les traitements vont beaucoup plus vite et ils sont beaucoup plus stables dans le temps.

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